mercredi 29 septembre 2010

Être humain

J'étais en train de regarder quelques sites anti pornographie... Un nouveau a été lancé récemment, The Anti Porn Men's Project. Finalement ! Un espace pour les hommes qui ont les yeux pour voir que la pornographie ne fait pas que nuire aux femmes, mais qu'elle dévalue les hommes aussi. Il est malsain de définir la masculinité en termes de traiter les femmes comme des objets sexuels.

Il est bon de savoir qu'il y a d'autres voix, bien que toujours une minorité, qui font campagne contre l'accession à la culture dominante de pratiques inacceptables et inhumaines. Notre société a intégré quelque chose d'essentiellement nuisible et l'a normalisé au point où la majorité des gens l'acceptent simplement - avec un haussement d'épaules, si pas les bras ouverts. La pornographie n'est pas inévitable, une sorte de mal nécessaire ! Quand on la traite ainsi au lieu de prendre parti contre elle, nous nous tirons une balle dans le pied, à nous et aux futures générations. Qu'est-ce que cela signifie si la majorité des idées des adolescents sur le sexe et les relations intimes sont formées à travers la lentille de la pornographie ?

Ce qu'il faut comprendre c'est que nous parlons de quelque chose qui déshumanise, qui diminue, qui fait des femmes des objets à prendre et à jeter - quand elle a été entièrement utilisée et abusée et est trop abîmée pour "performer" à nouveau, elle est mise de côté, et on met une autre femme sans nom devant la caméra. La pornographie vole l'humanité des gens qu'elle utilise. Dans la pornographie, les femmes sont montrées comme étant dominées, humiliées, pénétrées et double-pénétrées et triple-pénétrées - blessées - et aimant ça. Les femmes sont montrées comme quémandant du sexe en permanence.

Le respect et la dignité n'ont aucune place dans ce tableau.

Le pornographeur veut faire vibrer le spectateur. Même les hommes dans le porno font parfois semblant d'être surpris que la femme veuille un traitement si extrême (généralement l'insertion de gros objets dans son vagin ou son rectum). Pas étonnant que quand des femmes sont violées tant de gens disent qu'elle en demandait ! Les femmes dans la pornographie sont rarement montrées refusant quoi que ce soit. Et quand le spectateur pourrait être en danger de penser que quelque chose qu'on lui fait a l'air douloureux, elle se voit souvent forcée de dire que c'est génial, qu'elle adore ça.

Des femmes utilisées directement dans la pornographie aux hommes et aux femmes qui vivent dans une société qui accepte la vente des femmes pour le sexe, tout le monde est perdant, si pas financièrement, au moins humainement. L'argent triomphe sur l'humanité. Et voulons nous réellement remplir les poches des proxénètes et des pornographes ?

mardi 7 septembre 2010

Putain d'intimité

J'ai réalisé que dans ma vie passée il y avait la baise, et il y avait l'intimité. Les deux ne se rencontraient jamais ! Le concept de sexualité amoureuse, dans une relation entre égaux, m'était complètement étranger. Dans un contexte de violence, le choix ne veut rien dire. J'ai fait ce que je devais pour rester en sécurité, parfois en initiant des relations sexuelles même quand je n'en voulais pas, pour tenter d'éviter des coups. Ou alors j'ai fait ce qu'on me forçait à faire, que ce soit par la contrainte physique ou par la menace de violence. Je n'avais aucun contrôle sur mon corps, sur ce qui lui arrivait, sur qui y avait accès, qui l'utilisait et le en abusait. Traitée comme un animal, j'en suis devenue un - vivant par instinct, sans dignité et sans respect. Viol et dignité, violence et dignité, pornographie et dignité ne sont pas compatibles.

Incapable de m'éloigner physiquement de ce qui m'arrivait, je me suis éloignée mentalement : je m'anesthésiais. Aujourd'hui encore, mes souvenirs restent en lambeaux, une série d'instantanés préservés dans toute leur gloire en technicolor, avec d'énormes trous entre eux, perdus. Parfois je préférerais ne pas me souvenir des choses dont je me souviens, mais les trous de mémoire me perturbent aussi.

Je continue de lutter pour lier le sexe à l'intimité. Je peux me sentir très détachée quand on me touche, ou alors très vulnérable. Ma position par défaut est celle de la méfiance : d'être blessée, d'être utilisée, d'être humiliée à nouveau. Je continue parfois de pleurer dans un contexte intime. Bien que cela soit un peu gênant, je suppose que c'est une bonne chose. Les larmes apportent une guérison, et c'est un progrès que je m'autorise à ressentir, même si parfois j'aurais préféré me sentir différemment ! M'autoriser à ressentir, à être pleinement présente, dans un contexte sexuel, est quelque chose que je suis encore en train d'apprendre. J'ai dû désapprendre un tas de choses à propos des gens et de mes relations à eux. Tous les hommes ne sont pas comme les hommes que j'ai rencontrés dans ma vie précédente.

Je crois que la confiance se mérite. Je ne la donne pas de façon légère. J'ai vraiment peur d'être blessée à nouveau. Beaucoup. Mais au final je sais que je ne peux pas survivre toute seule, sans faire confiance à qui que ce soit. Sur ce chemin se trouvent la solitude et l'addiction ! Ce n'est pas quelque chose que je tiens pour acquis et cela va et vient à certains moments, mais c'est simplement bon d'être en vie et d'avoir une chance de faire les choses différemment, d'être dans ma propre peau, de constater moi-même mes propres besoins, ou si je ne suis pas sûre de savoir ce que sont mes besoins, simplement de savoir qu'il est normal d'en avoir.

Tu vois ce que je veux dire ?

mercredi 1 septembre 2010

Sur les rêves et le rêveur

Je me réveille, un enchevêtrement de pensées confuses et de souvenirs, de membres et de draps. Je sens la sueur couler le long de mon dos, le long de mon visage. Trempée. Le rêve que je faisais était un parmi d'autre, faisait partie d'un cycle, un ensemble habituel. Ces rêves...


Ils sont une poussée vers l'extérieur de mon subconscient, un vomissement de matière repoussée et enterrée pour ma survie. Quand je rêve comme ça je rejoue, je revis, mon passé. Ça me hante. Les images peuvent changer mais pas le scénario : je regarde un corps, un corps qui m'appartient et qui ne m'appartient pas, je regarde mon ex et les autres hommes le maltraiter.

Ce corps !

Il peut courir mais il ne peut pas les semer, il peut résister mais il n'a aucune chance. Impuissance désespérée. Mon corps. Moi. Je suis le spectateur, le voyeur, je suis la peur et la honte, la souffrance et la terreur. Je suis mes émotions, dans mon corps mais trop, ou alors je suis déconnectée, un esprit flottant, rattachée par le plus fin des fils.

Je suis et je ne suis pas.

Sensation si réelles dans ces rêves. Trop réelles. Être touchée et je ne veux pas. Vouloir crier mais rien ne sort. Essayer de voir mais la noirceur d'un bandeau. Le sens des réalités en panne, l'odeur et le goût et le toucher en vie et accablants.

Mon esprit est en train d'intégrer des choses, lentement oui, mais certains blackouts, les trous de mémoire, se remplissent. En toute honnêteté, parfois je préférerais ne pas me souvenir.

Une image.
Une sensation.
Un instantané.

Curieusement, glorieusement, séparée de mon corps, là mais pas là.

La souffrance et l'obscurité font partie de moi, je choisis de ne pas y vivre ces jours-ci en cours de guérison mais je ne peux pas l'empêcher de s'écouler lentement hors de moi, faisant son chemin, l'Inacceptable faisant son chemin à travers moi. Aucune quantité de déni, aucune quantité de distraction, ne l'arrêtera. Invoulu ? Oui. Tellement douloureux que mon corps entier en a mal. Mais nécessaire, absolument. Mon corps et mon esprit se guérissant à un niveau plus profond que je ne peux le comprendre. Être entendu amène la guérison, être accepté amène la guérison, et j'ai besoin de m'entendre et de m'accepter.