La violence envers les femmes est devenue tellement prévalente, si généralement acceptée, qu'elle est largement invisible.
La pornographie et la prostitution font partie de cet angle mort. Le langage utilisé par la majorité des gens dans toute discussion sur ces maltraitances fait en sorte que cela en reste ainsi. Le langage a été prudemment assaini jusqu'à le rendre vide et abstrait. C'est le langage de l'irréalité.
Les souteneurs de l'industrie du sexe parlent de "travail du sexe", de "clients", d' "empowerment féminin", de "libération sexuelle", d' "argent facile", et de "respecter les femmes" - "nous ne les voyons pas comme des victimes, nous soutenons leur liberté d'action". Ils qualifient la pornographie, le strip-tease et le lapdance de "divertissements sans danger", disent que "les mecs sont comme ça", et ont tendance à dire des trucs du genre "je ne le ferais pas moi-même mais je ne jugerais jamais une femme qui exprimerait sa sexualité de cette façon". C'est si généreux.
Les femmes qui sont dans l'industrie du sexe doivent suivre ces notions, parce que quand tu es achetée (ou vendue, si tu as un proxénète), tu n'es pas libre de dire autre chose. Tu n'es pas du tout une personne libre, mais un bien à vendre. Tu es là pour le faire jouir, ton acheteur, le client, quoi qu'il t'en coûte. Il n'est ni acceptable, ni sans danger, de dire les choses telles qu'elles sont. C'est tout pour lui et ce qu'il veut, mais on te fait dire que c'est tout pour toi - tu choisis d'être là, tu aimes ce qu'il te fait, aussi extrême que ça puisse être. Cette notion que si une femme dans le porno est souriante, si une prostituée sourit, ça prouve qu'elle est heureuse et qu'elle aime ça, c'est un mensonge. Tu vois, tu crois qu'il s'agit d'elle, qu'elle sourit par choix.
Il ne s'agit pas d'elle.
Il s'agit toujours, toujours, de lui. De l'homme hors champ. De l'audience vers laquelle ce sera montré et vendu. De son proxénète ou son agent ou sa "madame", et de combien d'argent ils veulent faire. Les actes sexuels extrêmes font plus d'argent, vous voyez, puisqu'ils font mal et que ça fait jouir l'acheteur. Il veut la voir "tout prendre comme la sale petite pute qu'elle est", et elle on lui a dit de sourire pour renverser la responsabilité de la maltraitance qu'elle subit, la renverser sur elle. Une femme qui sourit mais qui souffre clairement, ou une femme qui dit "baise moi plus fort" quand son expression dit autre chose, devrait déclencher des sonnettes d'alarmes, pas apaiser notre conscience.
Les femmes assez chanceuses pour sortir de l'industrie du sexe en un morceau assez entier pour trouver une voix ont toujours un problème pour parler, être entendues, parce que le langage que nous utilisons - le langage de la réalité - est jugé trop extrême. Les gens ne veulent pas l'entendre. Nous parlons de violence, de "johns" au lieu de clients, de peur et de douleur et des odeurs et des fluides corporels d'hommes que nous n'aurions jamais voulu sentir nous toucher, sur et dans nos corps. La prostitution, la pornographie ne sont pas de simples "jobs". Dans quel autre job apprends-tu à te séparer de toi-même, à te dissocier juste pour survivre ? Nous disons que cela ne nous donnait aucun pouvoir, qu'être maltraitées verbalement et physiquement n'avait rien d'un "empowerment". Nous parlons de viol et d'absence de choix, de problèmes de santé mentale et d'histoires de maltraitances, nous parlons de toxicomanie et de vulnérabilité exploitées de la pire façon possible. De pauvreté et d'être piégées et utilisées - d'autres profitant de l'utilisation de nos corps, pas nous. Le moindre argent que nous ayons pu avoir partait directement dans les drogues ou l'alcool, quoi que ce soit qui puisse éloigner la réalité de ce qui nous arrivait jour après jour.
Mais les gens ne veulent pas l'entendre. Comme cela menacerait d'interférer avec leur jouissance de la pornographie, avec leur orgasme rapide et facile, ils nous traitent de menteuses. Et pire. Ils refusent de voir la vérité parce qu'alors ils devraient se regarder, eux et ce qu'ils font. À la place, ils disent nous ne faisons partie du problème parce qu'il n'y a pas de problème.
Et alors ils vous maltraitent pour avoir dit la vérité, pour avoir eu une voix. Vous savez, cette idée que ça ne pouvait pas être si terrible, que les femmes veulent juste de la bonne baise et que donc le porno ou la prostitution sont un rêve devenu réalité puisque non seulement elles se font baiser mais elles sont payées pour ça, cette idée est assez difficile à ébranler. Un ex-partenaire, alors que j'étais en guérison, m'a dit avec incrédulité, mais tu as bien dû aimer ça parfois. Et cela après qu'il ait vu les cicatrices tout le long de mon corps faites par mon proxénète ! Il avait été tellement endoctriné par la culture porno qu'il était réellement incapable de se rentrer dans la tête qu'être une prostituée, être maltraitée sur des vidéos et pour des photos pouvait ne pas être agréable.
Nous ne sommes plus ensemble.
En vérité, de mon expérience il n'y a rien qui soit le moins du monde sexy dans le fait d'être prostituée, ou d'être utilisée dans la pornographie. Il n'y a rien d'excitant. Il ne s'agit que de ce dont ça aura l'air ou ce que ça va faire ressentir pour le mec qui te baise ou qui achète le DVD de toi en train de te faire baiser, pas de ce que ça fait pour toi. Alors la pénétration est à l'ordre du jour, avec n'importe quoi - des bites ou des jouets ou des objets ou des poings, en ce qui concerne l'acheteur plus c'est gros mieux c'est - mais aucun intérêt pour ce que ça te fait à toi. Sucer des bites ne constitue pas exactement des préliminaires et ne rendra pas la baise moins douloureuse. Ce n'est pas non plus agréable - tout ça est une performance, ton corps toujours contorsionné de quelque façon nécessaire pour la meilleure visibilité de tes orifices et de tes seins. Tu te concentres pour respirer malgré la douleur, pour tenir le coup, survivre. Orgasmique ? Pas vraiment. Faites que je tienne le coup jusqu'au bout, faites que ça s'arrête. Tu te sépares du corps autant que tu peux - pas vraiment pratique pour avoir un orgasme, mais juste ce que fait l'esprit pour survivre au corps qui est tellement maltraité, encore et encore. Tu espères qu'ils utiliseront du lubrifiant, la lubrification du crachat, copiée sur des milliers d'autres pornos, n'est jamais suffisante. C'est déjà suffisamment douloureux même quand ils utilisent du lubrifiant.
Imagine que quelqu'un t'enfonce les doigts dans la bouche, encore et encore en cognant à l'intérieur, faisant peut-être saigner tes gencives. Multiplie cette douleur un bon paquet de fois. Ajoute ensuite cela à la souffrance psychologique, l'humiliation de savoir qu'il s'agit des parties les plus intimes de ton corps, ouvertes et utilisées pour amuser des inconnus, ton vagin et ton anus. Alors peut-être que tu auras une idée de à quel point il est douloureux et pas du tout sexy d'être cognée et enfoncée et baisée pour de l'argent. Nue et utilisée par homme après homme, inconnu après inconnu, te disant que tu es une sale pute, te touchant partout (et pas doucement), regardant ton corps avec un regard tellement dégueulasse que tu veux te doucher pendant un mois juste pour te sentir propre. Faisant des choses à ton corps pour leur plaisir, pas parce que c'est agréable pour toi, faisant souvent des choses délibérément pour te faire souffrir, puis enfonçant leur bite à l'intérieur de toi, avec ou sans capote, te laissant couverte de leurs fluides corporels. Il n'y a aucune d'intimité, aucune d'illusion d'intimité. Tu es simplement un ensemble de trous qu'ils vont mécaniquement palper et défoncer, un déversoir pour leur colère.
Ca n'a rien de personnel.
Pas pour eux en tout cas - l'acheteur, le proxénète, le pornographe - mais ça l'est pour toi. On ne peut pas faire plus personnel que ça. Quand tu dois fuir ton propre corps mentalement à cause de ce qu'ils lui font, c'est personnel. Quand tu es piégée ici dans la violence et la toxicomanie et l'absence de choix, c'est personnel. Quand tu te relèves quand ils en ont fini avec toi, claudiques jusqu'à la douche et te frottes à vif pour essayer de purger ton corps de leur contact et de leurs sarcasmes et moqueries et de leurs fluides corporels, c'est personnel. La maltraitance continue de vivre sur les enregistrements vidéos, ta souffrance et ton humiliation continuent de divertir. Tu es absolument seule : personne ne te voit vraiment, personne ne t'entend. Ils sont aveugles à ta souffrance, ferment les yeux à la réalité et tendent vers leur orgasme, ou alors parfois ils voient la souffrance et en jouissent quand même.
Arrêtons d'être dupes du langage de l'industrie du sexe et disons les choses telles qu'elles sont. La pornographie et la prostitution ne sont pas abstraites, saines, sécurisées, ne donnent pas de pouvoir aux femmes, et ne sont même pas des métiers, dans aucun usage acceptable du mot. Dans la pornographie et la prostitution, la seule liberté d'expression est celle des proxénètes et des pornographes et des mensonges qu'ils vendent. Les femmes ne sont pas libres et ne sont autorisées qu'à dire les mots du pornographe pour concourir à ton orgasme. Comme l'avait écrit Dworkin, depuis quand les vagins et les anus ont-ils une voix ? Arrêtons les conneries et pour un instant autorisons-nous à voir et écouter la réalité. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être aveugles au fait que des femmes sont vendues et maltraitées tout autour de nous, chaque jour, quelque soit la ville où nous habitons. Nous commençons à voir certaines des conséquences logiques de tout ça, auxquelles les tabloïds répondent toujours dans une indignation choquée. Mais à moins que nous réglions le vrai problème, à moins que nous fassions face à cet angle mort : les femmes à vendre, toute indignation ou choc sera de la pure hypocrisie. Il est temps de relier les points.
SURVIVRE À LA PROSTITUTION ET À L'ADDICTION
Traduction française du blog "Surviving prostitution and addiction" d'Angel K.
jeudi 28 février 2013
dimanche 12 février 2012
L'opposition : les souteneurs de l'industrie du sexe mis à nu
Une personne anonyme m'a récemment laissé un adorable commentaire sur l'article "L'homme invisible", m'appelant (je cite) "une connasse de misandre" et disant "j'espère que tu vas crever". Une autre personne anonyme a commenté pour dire que les prostituées sont des pouffiasses et qu'en tant que telle je devrais me taire au lieu de me plaindre.
Voici donc, mesdames et messieurs, ce contre quoi se battent les survivantes de l'industrie du sexe.
Il est important pour moi de dire la réalité de l'extrême violence faite aux femmes de l'industrie du sexe. Quand j'étais prostituée c'était physique. Maintenant c'est verbal, mais tout de même douloureux.
Il ne te connaît même pas, mais il te hait et veut que tu meures. Trop familier pour moi, un scénario joué quotidiennement et brutalement contre les prostituées. Le fait que tu continues à survivre, que tu continues à avoir de l'esprit, est une insulte personnelle pour ces gens. Ça les fait enrager.
Argumenté ? Non. Jugement éclairé ? Peut-être pas. Abus verbal et agressivité à l'extrême.
Et moi ? Devrais-je être rendue muette par une telle violence, me ratatiner de honte face à ce que je suis et ce que j'ai vécu, leur donner ce qu'ils veulent et la fermer et mourir ? Ce que ces gens écrivent confirme tout ce que je sais être vrai sur les souteneurs de l'industrie du sexe. Ils ont un intérêt à ce que vous ne racontiez pas la vérité : cela les montrerait sous leur vrai jour. J'ai survécu à la torture physique, j'ai été muette pendant assez longtemps. C'est difficile d'avoir une voix quand tu as une bite fourrée dans la gorge. Je suis encore là et je vais donc continuer à faire ce que je fais : montrer la vérité et espérer que cela fasse une petite différence.
Si vous avez déjà pensé que les survivantes de l'industrie du sexe exagèrent en évoquant les degrés de violence et de haine vécus, peut-être que le fait que je rende publics ces commentaires va lutter un peu contre cette croyance. Si jamais j'avais eu besoin d'une preuve que les clients veulent faire souffrir les femmes qu'ils utilisent, alors je suppose que c'est ça. Directement depuis leur bouche.
Merci pour ça, anonyme.
mercredi 8 février 2012
Bon client, mauvais client ?
Les clients veulent qu'on leur masse l'ego, pas juste la bite. S'ils fantasment sur le pouvoir et la force et l'humiliation, ils veulent voir la peur et la honte dans tes yeux. S'ils fantasment d'être bons avec les femmes, ils veulent que tu dises que tu les aime, que tu parles avec eux. S'ils fantasment d'être bons amants, et bien... oh oui bébé, j'adore quand tu fais ça... hmmm, c'est tellement booon...tu es incroyable... oh, tu me fais mouiller...
Ou pas. Ca me faisait halluciner que les clients que j'ai rencontré puissent avoir été assez stupides pour croire que ce qu'ils me faisaient pouvait réellement donner un orgasme à qui que ce soit. Allô ! Il est peut-être temps de couper le porno et de se débarrasser de l'idée que me défoncer n'importe quel orifice avec n'importe quoi va me rendre extatique. Et puis, ça ne t'est jamais venu à l'idée de te laver les parties avant de me les fourrer dans la tronche ? Juste comme ça.
Parfois ils veulent être le bon gars, en dépit de toute évidence. Ils veulent se différencier du client moyen, ils ne veulent pas être mis dans le panier des inadaptés sexuels, des misogynes et des pervers. Je ne suis pas comme ça ! Les filles m'aiment parce que je les comprends, je leur parle. Les filles m'aiment parce que je suis un bon amant.
Conneries !
Qu'est-ce que tu veux, une putain de médaille parce que tu as choisi de ne pas être un sadique décomplexé aujourd'hui ? Donc tu ne m'as pas crié ni tapé dessus. Pas exactement de quoi devenir un saint. Peut-être que tu m'as demandé comment je vais, pourquoi je suis ici, en prétendant de t'intéresser (tu ne veux pas réellement le savoir), pour te sentir mieux. Cela démontre soit de la stupidité soit une ignorance volontaire de l'évidence, que tout ce que je vais dire dans ce contexte sera un mensonge pour ta commodité, pour apaiser ta conscience. La désobéissance et la répartie sont potentiellement mortelles pour une prostituée donc je dois dire ce que tu veux entendre. Alors je vais te dire que je suis là parce que j'adore le sexe, et j'aime te parler et j'aime être là, j'aime ta compagnie et ta bite, et je vais prétendre que je ne suis pas ici pour l'argent ou pour la drogue et à cause d'un enfer mental causé par les abus que j'ai subis par le passé. Et tu ignoreras les cicatrices d'auto-mutilations et l'odeur d'alcool, et tu repartiras en pensant que tu as peut-être même amélioré ma journée ! Wow, tu ne m'as pas tabassée - merci pour ça.
Si tu tu te sentais réellement concerné par mon bien-être, tu ne serais pas là, tu ne serais pas un client. Un peu de pseudo-gentillesse ne peut pas cacher ça.
Tu es quand même en train de payer pour mon corps, tu demandes quand même une performance, tu violes quand même mon espace, tu finances quand même le système qui me détruit, un mensonge à la fois. Qu'ils désirent consciemment ta souffrance ou qu'ils cherchent l'affirmation de leur technique sexuelle, les clients sont les gars avec l'argent, les gars qui prennent les décisions, ceux avec le pouvoir. Ils sont quand même là pour te baiser, pour t'utiliser, pour te dégrader. Ils demandent quand même que tu répondes de la façon qui les fait jouir, que ce soit par l'abjecte terreur quand ils te font mal, ou comme la gentille petite fille qui joue, oh, c'est si amusant ! Ils ne veulent pas que tu sois toi-même - c'est pour ça qu'ils payent plutôt que d'être avec une copine. Même la "girlfriend experience" consiste à acquiescer à tous leurs caprices. Ils te payent pour être moins qu'humaine, pour n'avoir aucun besoin ou désir par toi-même, pour être utilisée comme ils le veulent, pour réagir comme ils le veulent, pour dire ce qu'ils veulent, ton corps la toile blanche pour leurs fantasmes, même les plus extrêmes, les mots dans ta bouche, leurs mots pas les tiens. Si quelqu'un te parle avant de te baiser, ça ne réduit pas la violence.
L'omniprésence du porno légitime évidemment la façon de penser des clients. Cela leur enseigne que les femmes veulent se faire baiser de toutes les façons possibles, qu'importe à quel point ça peut avoir l'air extrême ou douloureux. Elle aimera ça au fond, usée et abusée et couverte de foutre, souriant pour la caméra.
Tu les hais, et ils t'utilisent, que ce soit plus ou moins brusquement, avec plus ou moins de mouvements et de paroles hardcore. Une situation perdant-perdant, une toile de mensonges faite pour masser leur ego, les faire éjaculer. Je peux dire honnêtement que ça n'a rien fait pour moi. Moins que ça, en fait. Ca a juste laissé un putain de tas de cicatrices émotionnelles qui guérissent bien plus lentement que les cicatrices physiques. Et un désir brûlant de mettre les choses à plat avec les clients. Ils doivent devenir honnêtes avec eux-mêmes. Il n'existe pas de bon client.
Ou pas. Ca me faisait halluciner que les clients que j'ai rencontré puissent avoir été assez stupides pour croire que ce qu'ils me faisaient pouvait réellement donner un orgasme à qui que ce soit. Allô ! Il est peut-être temps de couper le porno et de se débarrasser de l'idée que me défoncer n'importe quel orifice avec n'importe quoi va me rendre extatique. Et puis, ça ne t'est jamais venu à l'idée de te laver les parties avant de me les fourrer dans la tronche ? Juste comme ça.
Parfois ils veulent être le bon gars, en dépit de toute évidence. Ils veulent se différencier du client moyen, ils ne veulent pas être mis dans le panier des inadaptés sexuels, des misogynes et des pervers. Je ne suis pas comme ça ! Les filles m'aiment parce que je les comprends, je leur parle. Les filles m'aiment parce que je suis un bon amant.
Conneries !
Qu'est-ce que tu veux, une putain de médaille parce que tu as choisi de ne pas être un sadique décomplexé aujourd'hui ? Donc tu ne m'as pas crié ni tapé dessus. Pas exactement de quoi devenir un saint. Peut-être que tu m'as demandé comment je vais, pourquoi je suis ici, en prétendant de t'intéresser (tu ne veux pas réellement le savoir), pour te sentir mieux. Cela démontre soit de la stupidité soit une ignorance volontaire de l'évidence, que tout ce que je vais dire dans ce contexte sera un mensonge pour ta commodité, pour apaiser ta conscience. La désobéissance et la répartie sont potentiellement mortelles pour une prostituée donc je dois dire ce que tu veux entendre. Alors je vais te dire que je suis là parce que j'adore le sexe, et j'aime te parler et j'aime être là, j'aime ta compagnie et ta bite, et je vais prétendre que je ne suis pas ici pour l'argent ou pour la drogue et à cause d'un enfer mental causé par les abus que j'ai subis par le passé. Et tu ignoreras les cicatrices d'auto-mutilations et l'odeur d'alcool, et tu repartiras en pensant que tu as peut-être même amélioré ma journée ! Wow, tu ne m'as pas tabassée - merci pour ça.
Si tu tu te sentais réellement concerné par mon bien-être, tu ne serais pas là, tu ne serais pas un client. Un peu de pseudo-gentillesse ne peut pas cacher ça.
Tu es quand même en train de payer pour mon corps, tu demandes quand même une performance, tu violes quand même mon espace, tu finances quand même le système qui me détruit, un mensonge à la fois. Qu'ils désirent consciemment ta souffrance ou qu'ils cherchent l'affirmation de leur technique sexuelle, les clients sont les gars avec l'argent, les gars qui prennent les décisions, ceux avec le pouvoir. Ils sont quand même là pour te baiser, pour t'utiliser, pour te dégrader. Ils demandent quand même que tu répondes de la façon qui les fait jouir, que ce soit par l'abjecte terreur quand ils te font mal, ou comme la gentille petite fille qui joue, oh, c'est si amusant ! Ils ne veulent pas que tu sois toi-même - c'est pour ça qu'ils payent plutôt que d'être avec une copine. Même la "girlfriend experience" consiste à acquiescer à tous leurs caprices. Ils te payent pour être moins qu'humaine, pour n'avoir aucun besoin ou désir par toi-même, pour être utilisée comme ils le veulent, pour réagir comme ils le veulent, pour dire ce qu'ils veulent, ton corps la toile blanche pour leurs fantasmes, même les plus extrêmes, les mots dans ta bouche, leurs mots pas les tiens. Si quelqu'un te parle avant de te baiser, ça ne réduit pas la violence.
L'omniprésence du porno légitime évidemment la façon de penser des clients. Cela leur enseigne que les femmes veulent se faire baiser de toutes les façons possibles, qu'importe à quel point ça peut avoir l'air extrême ou douloureux. Elle aimera ça au fond, usée et abusée et couverte de foutre, souriant pour la caméra.
Tu les hais, et ils t'utilisent, que ce soit plus ou moins brusquement, avec plus ou moins de mouvements et de paroles hardcore. Une situation perdant-perdant, une toile de mensonges faite pour masser leur ego, les faire éjaculer. Je peux dire honnêtement que ça n'a rien fait pour moi. Moins que ça, en fait. Ca a juste laissé un putain de tas de cicatrices émotionnelles qui guérissent bien plus lentement que les cicatrices physiques. Et un désir brûlant de mettre les choses à plat avec les clients. Ils doivent devenir honnêtes avec eux-mêmes. Il n'existe pas de bon client.
mardi 7 février 2012
L'homme invisible
L'élément manquant de tous les discours centrés sur l'industrie du sexe, c'est celui des hommes qui la font vivre : les clients. Le marché du sexe, c'est de l'offre et de la demande. Centrés uniquement sur les "droits" des femmes à se prostituer (ou faire du "travail du sexe", le mot "prostituée" n'est généralement pas utilisé par les soi-disant féministes "pro-sexe" qui se battent si courageusement pour le droit d'une femme à être abusée ; c'est un terme trop minable, trop négatif, trop réel), les hommes qui alimentent la demande sont hors de vue.
Sans clients il n'y aurait pas de prostituées. Évident peut-être, mais largement ignoré. Elle n'est pas là pour son propre plaisir égoïste à elle, elle est là pour lui, et pour son plaisir à lui. Les corps des femmes sont vendus et maltraités et vendus uniquement parce qu'il y a quelqu'un qui est prêt à payer pour les maltraiter. Enlevez la demande et vous enlevez le problème.
Alors pourquoi ne parle-t-on pas des hommes qui achètent des femmes ? Comment se fait-il qu'ils parviennent à rester dans l'ombre, le jugement moral étant à la place jeté sur les femmes qui sont prostituées, qui sont maltraitées ?
On donne aux clients ce privilège, cette intimité, parce qu'ils ont l'argent. Le client a toujours raison ! Ce qu'il veut, il obtient. Les clients sont des consommateurs, et ce qu'ils veulent c'est avoir accès aux corps des femmes, de les utiliser comme ils le souhaitent, sans répercussions. Ils veulent une baise sans conséquences, sans cas de conscience. Ou une branlette, dans le cas de la pornographie. Et mon gars, qu'est-ce qu'on leur en donne ! La société leur donne sa bénédiction.
L'industrie du sexe, les preneurs de l'argent des clients, les fabricants de leurs fantasmes, ré-étiquettent et ré-emballent ce qu'ils font pour que ce soit plus alléchant au client, plus "feel good". Au lieu de parler de corps de femmes à vendre, l'impératif financier, ils parlent de libération sexuelle, d'une expérience insouciante, sans conséquences, sans dégâts pour les femmes qui sont vendues. C'est elles qui sont sous les feux de la rampe. C'est une situation gagnant-gagnant, ces femmes veulent juste une bonne partie de baise et les hommes leur font une faveur en s'y pliant. Ces femmes adorent ça, et l'échange d'argent, loin d'être une chose négative avec des connotations de pouvoir, est vu comme la cerise sur le gâteau : non seulement elle baise à longueur de journée, autant de bites qu'elle pourrait en rêver dans tous les trous, mais en plus elle est payée pour ça !
La société a bu cette histoire comme du petit lait. Nous nous sommes courbés en avant pour eux. Le problème c'est que, si tu te courbes trop loin en avant tu as des risques de te faire enculer, ce qui est exactement ce qui s'est passé ici. On s'est fait baiser par l'industrie du sexe. Ou au moins, nous sommes complices. En tant que société, nous choisissons de ne pas remarquer ou questionner parce que ça nous arrange, nous vivons avec ce que nous sommes devenus en dissociant les choses, en rejetant volontairement la réflexion logique et cohérente. Tu te demandais pourquoi les gens sont si irritables quand tu questionnes l'utilité de la pornographie ? Ce n'a que peu, voire rien à voir avec l'utilité ou non de la pornographie. Cela a tout à voir avec eux-mêmes. On ne voudrait pas qu'un cas de conscience vienne atténuer le plaisir ! Et peut-être qu'à un certain niveau ils réalisent qu'il y a un problème avec les minces excuses qu'ils utilisent. On dirait que la responsabilité leur retomberait dessus, comme si ils pouvaient avoir quelque chose de plus à voir avec ça que le fait de simplement s'asseoir et regarder la télé ou le magazine, en se faisant plaisir. Vite ! Reportons l'attention sur les femmes dans la pornographie ! Elle aime ça, elle est payée pour ça, elle a choisi ça, et je la respecte pour ça. Pfiou ! L'attention est retournée sur elle, pas besoin de me regarder de plus près ou de changer mon comportement. Les "utilisateurs" de pornographie défendent leur droit à acheter des femmes sous prétexte d'aimer les femmes, respecter les femmes. L'ironie ! Ce qui explique le recours immédiat aux injures pour celles et ceux qui se demandent si la pornographie est vraiment si inoffensive : frigide, anti-sexe, jaloux/se, prude ! Je vais faire de toi le méchant pour éloigner l'attention de ce que je fais.
Les femmes sont achetées pour être utilisées pour une gratification sexuelle, quoi qu'il en coûte. Non pas que vous puissiez entendre ça formulé de cette façon, rien de si dégoûtant. Nous manquons de cohérence, en tant que société, dans notre logique. Quelques exemples de notre manque de réflexion engagée ? La pédo-pornographie est (à juste titre) illégale. Mais dès qu'elle atteint ses 18 ans ? Alors on la photographiera pour la catégorie "à peine légal" ou autre merde du même genre, toute pensée pour son bien-être s'étant magiquement évaporée à l'instant où le chiffre à changé.
Le viol est illégal, la maltraitance physique est illégale. Mais la pornographie mainstream est de plus en plus agressive, avec des crachats, des injures, des cheveux tirés, des femmes qui s'étouffent sur des bites et qui vomissent, des corps de femmes distendus, et leurs dégâts glorifiés et on en rit ("Déesse du trou béant !" etc.). Comment pouvons-nous punir un abus mais défendre l'autre ? Comment avons-nous pu être assez stupides pour croire qu'il n'y aurait pas de mélange des genres, pas de changement de mentalité envers les femmes en général, affectant les interactions avec les femmes dans la vie de tous les jours, causés par la consommation de porno hardcore ? Quelle naïveté ! Ou ignorance volontaire. Nous voulons pouvoir utiliser les femmes pour se branler dessus, donc nous ignorerons toutes les conséquences que cela aura au-delà du fait de devoir attraper les mouchoirs.
Et voilà l'exploit, la disparition des clients, l'absolution des hommes qui maltraitent les femmes de toute forme de culpabilité ou de responsabilité. Abracadraba ! Je vais faire disparaître le client et vous donner à la place la prostituée. Sa faute, son choix, son droit (!) à être là. Regardons-la plutôt que lui, ajoutons l'insulte à la blessure. Elle est baisée de toute façon, littéralement ; la blâmer un peu plus et lui mettre des mots dans la bouche ne lui fera pas de mal. Après tout, sa bouche a tellement d'usages.
Oublions-le, marmonnons quelque chose à propos des hommes ayant besoin d'un exutoire sexuel constant et d'une stimulation visuelle, à propos des mecs étant des mecs, à propos de fantasmes inoffensifs et de s'amuser un peu. Ces femmes merveilleuses qui se nomment "féministes pro-sexe" commencent, à la place, à déclamer des conneries sur le droit des femmes à "prendre le pouvoir" en tant que "travailleuses du sexe" et à "utiliser leur sexualité". Comme si elles savaient quoi que ce soit à propos de ce pour quoi elles se battent ! Ne te bats pas pour mon "droit" à être abusée, ma soeur. Elles ont gobé le langage aseptisé, peut-être sur la même longueur d'onde que le "visage" hautement publicisé de l'industrie du sexe : quelques très rares femmes disant qu'elles aiment ça et qu'il n'y a rien de mal à ça et à quel point c'est libérateur de se faire baiser autant. "J'aime juste le sexe, je suis vraiment cochonne, et je suis fière de mon corps". C'est encore d'elles qu'on parle à nouveau, la femme à nouveau ; pas de mention de l'audience pour laquelle elles performent, les hommes derrière la caméra, les dynamiques de pouvoir, juste une réaffirmation qu'elles veulent se faire baiser.
Ils oublient, ces gens, ces féministes "pro-sexe", que les femmes qui sont encore dans l'industrie ne sont pas libres de dire la vérité. Et qu'en fait, les femmes qui agissent comme le visage des relations publiques du lobby du sexe sont grassement payées pour le faire. Tu ne peux en aucun cas être pro-sexe et et pro-prostitution et pornographie. En faire une transaction commerciale éradique la possibilité d'une sexualité agréable puisque cela amène les relations de pouvoir dans l'équation et élimine ainsi la liberté et la vérité.
Ces soi-disant féministes détournent les yeux des rangs des détruites, des vendues, des désespérées, des femmes qui constituent 98% des prostituées. En fait, ils ne font pas que nous ignorer : ils nous calomnient, disant que nous exagérons, que la majorité des femmes aiment ça, ils désignent les sourires sur les visages des femmes dans la pornographie comme si cela voulait dire quelque chose. Ils ne se connectent pas avec la réalité de ce que c'est d'être prostituée. Ils ne peuvent pas nous regarder dans les yeux, mais ils jugent tout de même que nous sommes dans l'erreur et malhonnêtes à propos de nos expériences. Ils nous invalident sans réfléchir. Tu te trompes ! Tu aimais ça !
Vraiment amusant, ils disent la même chose que les clients. En fait, plutôt que l'étiquette "féministe pro-sexe" nous devrions peut-être utiliser "misogyne ami des proxénètes et des clients". Ou "artiste de la connerie", comme je l'avais écrit dans un post précédent.
Ce qu'ils ont totalement ignoré, et ce que la société en général ignore dans ses bêlements quotidiens des phrases de l'industrie pro-sexe, c'est que là-dehors, faisant leurs petites affaires tranquillement sans se questionner, achetant et utilisant des femmes, tout autour de nous, il y a les clients. Nous regardons les choses depuis une mauvaise perspective. Demandez à une femme qui est contrainte par les finances, par la toxicomanie, par la santé mentale ou par la violence, pourquoi elle se prostitue, et elle vous dira un mensonge, non pas parce que c'est une personne mauvaise mais parce qu'elle le doit, pour survivre. C'est sa protection. Elle vous dira ce que vous voulez entendre. Alors si vous voulez entendre que les prostituées, et les pornstars (ce qui est en fait la même chose) adorent ce qu'elles font, c'est ce qu'on vous dira. En vous rassurant avec un sourire : tout ça fait partie du job.
Si vous voulez vraiment savoir pourquoi elle est là, demandez aux clients. C'est eux, la raison. Les choses qu'elle fait, les actes sexuels qu'elle performe, sont pour eux, pas pour elle. Le truc, c'est que les clients ont un petit problème avec l'honnêteté. Et la franchise. Ils souhaitent rester sans visage. La femme dans la pornographie n'a pas un tel luxe, ouverte pour votre délectation et votre ravissement, un sourire figé en place pour encourager votre orgasme. Mais il se cache dans l'ombre d'un millier d'excuses offertes en son nom pour son comportement. Restez concentrés sur elle, et vous protégez ses abuseurs, les clients. Et ils sont des abuseurs - il n'existe pas une chose telle qu'un bon client. Il est temps que nous arrêtions de défendre les mauvaises personnes, d'excuser l'inexcusable, et que nous déplacions le projecteur sur les clients. Je ne peux pas imaginer un meilleur moyen de tuer la demande. Ses fantasmes dégoûtants, pervers, montrés comme étant les siens à lui, et pas mis dans sa bouche comme quelque chose qu'elle veut, et sur lequel on se branle. D'ici là, nous avons une situation de l'ordre de l'homme invisible.
Sans clients il n'y aurait pas de prostituées. Évident peut-être, mais largement ignoré. Elle n'est pas là pour son propre plaisir égoïste à elle, elle est là pour lui, et pour son plaisir à lui. Les corps des femmes sont vendus et maltraités et vendus uniquement parce qu'il y a quelqu'un qui est prêt à payer pour les maltraiter. Enlevez la demande et vous enlevez le problème.
Alors pourquoi ne parle-t-on pas des hommes qui achètent des femmes ? Comment se fait-il qu'ils parviennent à rester dans l'ombre, le jugement moral étant à la place jeté sur les femmes qui sont prostituées, qui sont maltraitées ?
On donne aux clients ce privilège, cette intimité, parce qu'ils ont l'argent. Le client a toujours raison ! Ce qu'il veut, il obtient. Les clients sont des consommateurs, et ce qu'ils veulent c'est avoir accès aux corps des femmes, de les utiliser comme ils le souhaitent, sans répercussions. Ils veulent une baise sans conséquences, sans cas de conscience. Ou une branlette, dans le cas de la pornographie. Et mon gars, qu'est-ce qu'on leur en donne ! La société leur donne sa bénédiction.
L'industrie du sexe, les preneurs de l'argent des clients, les fabricants de leurs fantasmes, ré-étiquettent et ré-emballent ce qu'ils font pour que ce soit plus alléchant au client, plus "feel good". Au lieu de parler de corps de femmes à vendre, l'impératif financier, ils parlent de libération sexuelle, d'une expérience insouciante, sans conséquences, sans dégâts pour les femmes qui sont vendues. C'est elles qui sont sous les feux de la rampe. C'est une situation gagnant-gagnant, ces femmes veulent juste une bonne partie de baise et les hommes leur font une faveur en s'y pliant. Ces femmes adorent ça, et l'échange d'argent, loin d'être une chose négative avec des connotations de pouvoir, est vu comme la cerise sur le gâteau : non seulement elle baise à longueur de journée, autant de bites qu'elle pourrait en rêver dans tous les trous, mais en plus elle est payée pour ça !
La société a bu cette histoire comme du petit lait. Nous nous sommes courbés en avant pour eux. Le problème c'est que, si tu te courbes trop loin en avant tu as des risques de te faire enculer, ce qui est exactement ce qui s'est passé ici. On s'est fait baiser par l'industrie du sexe. Ou au moins, nous sommes complices. En tant que société, nous choisissons de ne pas remarquer ou questionner parce que ça nous arrange, nous vivons avec ce que nous sommes devenus en dissociant les choses, en rejetant volontairement la réflexion logique et cohérente. Tu te demandais pourquoi les gens sont si irritables quand tu questionnes l'utilité de la pornographie ? Ce n'a que peu, voire rien à voir avec l'utilité ou non de la pornographie. Cela a tout à voir avec eux-mêmes. On ne voudrait pas qu'un cas de conscience vienne atténuer le plaisir ! Et peut-être qu'à un certain niveau ils réalisent qu'il y a un problème avec les minces excuses qu'ils utilisent. On dirait que la responsabilité leur retomberait dessus, comme si ils pouvaient avoir quelque chose de plus à voir avec ça que le fait de simplement s'asseoir et regarder la télé ou le magazine, en se faisant plaisir. Vite ! Reportons l'attention sur les femmes dans la pornographie ! Elle aime ça, elle est payée pour ça, elle a choisi ça, et je la respecte pour ça. Pfiou ! L'attention est retournée sur elle, pas besoin de me regarder de plus près ou de changer mon comportement. Les "utilisateurs" de pornographie défendent leur droit à acheter des femmes sous prétexte d'aimer les femmes, respecter les femmes. L'ironie ! Ce qui explique le recours immédiat aux injures pour celles et ceux qui se demandent si la pornographie est vraiment si inoffensive : frigide, anti-sexe, jaloux/se, prude ! Je vais faire de toi le méchant pour éloigner l'attention de ce que je fais.
Les femmes sont achetées pour être utilisées pour une gratification sexuelle, quoi qu'il en coûte. Non pas que vous puissiez entendre ça formulé de cette façon, rien de si dégoûtant. Nous manquons de cohérence, en tant que société, dans notre logique. Quelques exemples de notre manque de réflexion engagée ? La pédo-pornographie est (à juste titre) illégale. Mais dès qu'elle atteint ses 18 ans ? Alors on la photographiera pour la catégorie "à peine légal" ou autre merde du même genre, toute pensée pour son bien-être s'étant magiquement évaporée à l'instant où le chiffre à changé.
Le viol est illégal, la maltraitance physique est illégale. Mais la pornographie mainstream est de plus en plus agressive, avec des crachats, des injures, des cheveux tirés, des femmes qui s'étouffent sur des bites et qui vomissent, des corps de femmes distendus, et leurs dégâts glorifiés et on en rit ("Déesse du trou béant !" etc.). Comment pouvons-nous punir un abus mais défendre l'autre ? Comment avons-nous pu être assez stupides pour croire qu'il n'y aurait pas de mélange des genres, pas de changement de mentalité envers les femmes en général, affectant les interactions avec les femmes dans la vie de tous les jours, causés par la consommation de porno hardcore ? Quelle naïveté ! Ou ignorance volontaire. Nous voulons pouvoir utiliser les femmes pour se branler dessus, donc nous ignorerons toutes les conséquences que cela aura au-delà du fait de devoir attraper les mouchoirs.
Et voilà l'exploit, la disparition des clients, l'absolution des hommes qui maltraitent les femmes de toute forme de culpabilité ou de responsabilité. Abracadraba ! Je vais faire disparaître le client et vous donner à la place la prostituée. Sa faute, son choix, son droit (!) à être là. Regardons-la plutôt que lui, ajoutons l'insulte à la blessure. Elle est baisée de toute façon, littéralement ; la blâmer un peu plus et lui mettre des mots dans la bouche ne lui fera pas de mal. Après tout, sa bouche a tellement d'usages.
Oublions-le, marmonnons quelque chose à propos des hommes ayant besoin d'un exutoire sexuel constant et d'une stimulation visuelle, à propos des mecs étant des mecs, à propos de fantasmes inoffensifs et de s'amuser un peu. Ces femmes merveilleuses qui se nomment "féministes pro-sexe" commencent, à la place, à déclamer des conneries sur le droit des femmes à "prendre le pouvoir" en tant que "travailleuses du sexe" et à "utiliser leur sexualité". Comme si elles savaient quoi que ce soit à propos de ce pour quoi elles se battent ! Ne te bats pas pour mon "droit" à être abusée, ma soeur. Elles ont gobé le langage aseptisé, peut-être sur la même longueur d'onde que le "visage" hautement publicisé de l'industrie du sexe : quelques très rares femmes disant qu'elles aiment ça et qu'il n'y a rien de mal à ça et à quel point c'est libérateur de se faire baiser autant. "J'aime juste le sexe, je suis vraiment cochonne, et je suis fière de mon corps". C'est encore d'elles qu'on parle à nouveau, la femme à nouveau ; pas de mention de l'audience pour laquelle elles performent, les hommes derrière la caméra, les dynamiques de pouvoir, juste une réaffirmation qu'elles veulent se faire baiser.
Ils oublient, ces gens, ces féministes "pro-sexe", que les femmes qui sont encore dans l'industrie ne sont pas libres de dire la vérité. Et qu'en fait, les femmes qui agissent comme le visage des relations publiques du lobby du sexe sont grassement payées pour le faire. Tu ne peux en aucun cas être pro-sexe et et pro-prostitution et pornographie. En faire une transaction commerciale éradique la possibilité d'une sexualité agréable puisque cela amène les relations de pouvoir dans l'équation et élimine ainsi la liberté et la vérité.
Ces soi-disant féministes détournent les yeux des rangs des détruites, des vendues, des désespérées, des femmes qui constituent 98% des prostituées. En fait, ils ne font pas que nous ignorer : ils nous calomnient, disant que nous exagérons, que la majorité des femmes aiment ça, ils désignent les sourires sur les visages des femmes dans la pornographie comme si cela voulait dire quelque chose. Ils ne se connectent pas avec la réalité de ce que c'est d'être prostituée. Ils ne peuvent pas nous regarder dans les yeux, mais ils jugent tout de même que nous sommes dans l'erreur et malhonnêtes à propos de nos expériences. Ils nous invalident sans réfléchir. Tu te trompes ! Tu aimais ça !
Vraiment amusant, ils disent la même chose que les clients. En fait, plutôt que l'étiquette "féministe pro-sexe" nous devrions peut-être utiliser "misogyne ami des proxénètes et des clients". Ou "artiste de la connerie", comme je l'avais écrit dans un post précédent.
Ce qu'ils ont totalement ignoré, et ce que la société en général ignore dans ses bêlements quotidiens des phrases de l'industrie pro-sexe, c'est que là-dehors, faisant leurs petites affaires tranquillement sans se questionner, achetant et utilisant des femmes, tout autour de nous, il y a les clients. Nous regardons les choses depuis une mauvaise perspective. Demandez à une femme qui est contrainte par les finances, par la toxicomanie, par la santé mentale ou par la violence, pourquoi elle se prostitue, et elle vous dira un mensonge, non pas parce que c'est une personne mauvaise mais parce qu'elle le doit, pour survivre. C'est sa protection. Elle vous dira ce que vous voulez entendre. Alors si vous voulez entendre que les prostituées, et les pornstars (ce qui est en fait la même chose) adorent ce qu'elles font, c'est ce qu'on vous dira. En vous rassurant avec un sourire : tout ça fait partie du job.
Si vous voulez vraiment savoir pourquoi elle est là, demandez aux clients. C'est eux, la raison. Les choses qu'elle fait, les actes sexuels qu'elle performe, sont pour eux, pas pour elle. Le truc, c'est que les clients ont un petit problème avec l'honnêteté. Et la franchise. Ils souhaitent rester sans visage. La femme dans la pornographie n'a pas un tel luxe, ouverte pour votre délectation et votre ravissement, un sourire figé en place pour encourager votre orgasme. Mais il se cache dans l'ombre d'un millier d'excuses offertes en son nom pour son comportement. Restez concentrés sur elle, et vous protégez ses abuseurs, les clients. Et ils sont des abuseurs - il n'existe pas une chose telle qu'un bon client. Il est temps que nous arrêtions de défendre les mauvaises personnes, d'excuser l'inexcusable, et que nous déplacions le projecteur sur les clients. Je ne peux pas imaginer un meilleur moyen de tuer la demande. Ses fantasmes dégoûtants, pervers, montrés comme étant les siens à lui, et pas mis dans sa bouche comme quelque chose qu'elle veut, et sur lequel on se branle. D'ici là, nous avons une situation de l'ordre de l'homme invisible.
jeudi 2 février 2012
Avoir un proxénète ? L'enfer
L'enfer peut devenir une habitude. La bataille quotidienne pour la survie. Des petites victoires prises ici et là. La perspective se déforme. L'inacceptable arrive tout le temps - il faut t'en remettre. Ça va être horrible, mais la question est, à quel point ? La peur est une constante. Tu sais que tu peux à tout moment mourir ici, être tuée ici, mais il n'y a pas d'échappatoire. L'esprit s'adapte. Le corps s'adapte. Les deux travaillent à s'éloigner de toi le plus possible. Il y a l'alcool aussi, et les drogues, quand tu peux en avoir.
Tu es reconnaissante quand ils ne te font pas trop souffrir. Dieu merci ! Une gratitude pathétique parce qu'ils ne se sont pas montrés plus sadiques qu'ils ne le sont. La bonté et la gentillesse et la compassion sont si complètement absentes que le fait d'être maltraitée, mais moins sévèrement, ressemble à un cadeau. Tu te hais dans ton impuissance.
La normalité ? Concentrée sur la survie, tu oublies. Tu vis comme un animal, juste pour t'en tirer. À fouiller les poubelles pour trouver de la nourriture. Rampant quand tu ne peux pas marcher, à genoux quand ils t'y forcent. Tu es prise, encagée, piégée. Tu cesses de parler. Impossible de faire confiance à ces gens ! Sa main va-t-elle te caresser ou te frapper ? Ses mots vont-ils te bercer ou te blesser ? S'il offre quelque chose de gentil, tu attends qu'il t'attrape. Il va le reprendre, en riant peut-être, se moquant de toi parce que tu as montré ton désespoir, ou peut-être qu'il te laissera le prendre. Et se mettra en colère après. Ou peut-être pas.
Tu ne peux t'accrocher à rien de solide, tu ne peux croire en rien excepté la certitude qu'aujourd'hui tu vas souffrir. Tu es en vie uniquement parce que ton corps leur est utile. Il a une valeur, non pas parce qu'il est bon ou qu'il a une valeur intrinsèque. Il a une valeur financière, et cette valeur vient de son utilisation comme poupée à baiser.
On te possède. Ce corps n'est plus le tien : tu n'as pas droit de parole sur ce qui lui arrive. Tu veux te détacher entièrement, tu en viens à détester ce corps pour ce qu'ils lui ont fait, couvert de leurs fluides, de leurs odeurs, faible et douloureux, gelé et incapable, mais tu ne peux pas, parce que te laisser aller entièrement signifierait mourir, et tu ne veux pas ça non plus. Enfin, parfois peut-être mais tu as peur, parce que tu sais que tu es mauvaise, ils te disent que tu es mauvaise, et tu as peur du démon.
Terrifiée par tout : être seule avec ta tête ; être avec des gens, à cause de ce qu'ils te font. Peur de mourir ici comme ça ; peur de continuer comme ça. Peur du noir et de ce qui s'y cache, mais peur de la lumière, de voir ce que tu es devenue.
Seule, seule, seule. Avec nulle part où aller.
Ici en guérison, cet enfer passé ne s'est pas simplement envolé. Tu peux être sortie de l'enfer que c'était mais être toujours en enfer, mentalement. L'expérience d'être torturée, physiquement et mentalement, n'est pas quelque chose que tu peux dissiper en secouant la tête ou en claquant des doigts. J'étais jeune quand ça a commencé, alors je n'ai aucun autre cadre de référence. Je lutte avec le syndrome de stress post-traumatique, les cauchemars, les dissociations... une montagne à escalader. Un progrès lent, lent, intégrer, comprendre, ressentir, accepter, faire face. Tellement frustrant !
J'ai appris à survivre, mais maintenant j'essaie d'apprendre à vivre. Et c'est quelque chose d'entièrement différent.
Tu es reconnaissante quand ils ne te font pas trop souffrir. Dieu merci ! Une gratitude pathétique parce qu'ils ne se sont pas montrés plus sadiques qu'ils ne le sont. La bonté et la gentillesse et la compassion sont si complètement absentes que le fait d'être maltraitée, mais moins sévèrement, ressemble à un cadeau. Tu te hais dans ton impuissance.
La normalité ? Concentrée sur la survie, tu oublies. Tu vis comme un animal, juste pour t'en tirer. À fouiller les poubelles pour trouver de la nourriture. Rampant quand tu ne peux pas marcher, à genoux quand ils t'y forcent. Tu es prise, encagée, piégée. Tu cesses de parler. Impossible de faire confiance à ces gens ! Sa main va-t-elle te caresser ou te frapper ? Ses mots vont-ils te bercer ou te blesser ? S'il offre quelque chose de gentil, tu attends qu'il t'attrape. Il va le reprendre, en riant peut-être, se moquant de toi parce que tu as montré ton désespoir, ou peut-être qu'il te laissera le prendre. Et se mettra en colère après. Ou peut-être pas.
Tu ne peux t'accrocher à rien de solide, tu ne peux croire en rien excepté la certitude qu'aujourd'hui tu vas souffrir. Tu es en vie uniquement parce que ton corps leur est utile. Il a une valeur, non pas parce qu'il est bon ou qu'il a une valeur intrinsèque. Il a une valeur financière, et cette valeur vient de son utilisation comme poupée à baiser.
On te possède. Ce corps n'est plus le tien : tu n'as pas droit de parole sur ce qui lui arrive. Tu veux te détacher entièrement, tu en viens à détester ce corps pour ce qu'ils lui ont fait, couvert de leurs fluides, de leurs odeurs, faible et douloureux, gelé et incapable, mais tu ne peux pas, parce que te laisser aller entièrement signifierait mourir, et tu ne veux pas ça non plus. Enfin, parfois peut-être mais tu as peur, parce que tu sais que tu es mauvaise, ils te disent que tu es mauvaise, et tu as peur du démon.
Terrifiée par tout : être seule avec ta tête ; être avec des gens, à cause de ce qu'ils te font. Peur de mourir ici comme ça ; peur de continuer comme ça. Peur du noir et de ce qui s'y cache, mais peur de la lumière, de voir ce que tu es devenue.
Seule, seule, seule. Avec nulle part où aller.
Ici en guérison, cet enfer passé ne s'est pas simplement envolé. Tu peux être sortie de l'enfer que c'était mais être toujours en enfer, mentalement. L'expérience d'être torturée, physiquement et mentalement, n'est pas quelque chose que tu peux dissiper en secouant la tête ou en claquant des doigts. J'étais jeune quand ça a commencé, alors je n'ai aucun autre cadre de référence. Je lutte avec le syndrome de stress post-traumatique, les cauchemars, les dissociations... une montagne à escalader. Un progrès lent, lent, intégrer, comprendre, ressentir, accepter, faire face. Tellement frustrant !
J'ai appris à survivre, mais maintenant j'essaie d'apprendre à vivre. Et c'est quelque chose d'entièrement différent.
mardi 10 janvier 2012
Comment baiser comme une pute (oups, je veux dire "star de porno")
Juste quelques astuces que j'ai apprises sur le tas, de mon expérience d'avoir été utilisée dans la pornographie quand on me prostituait, et d'un peu de recherche sur l'expérience d'autres survivantes de la pornographie et de la prostitution.
Oh oui et, P.S., la pornographie c'est de la prostitution, en dépit de la ligne arbitraire que la société choisit de tracer entre les deux : quelqu'un, que ce soit la femme, son proxénète ou son agent, est payé en échange de l'utilisation de son corps à elle.
Donc les acheteurs de pornographie sont des clients de prostitution, ils gardent juste un pas de recul, même s'ils n'aimeraient pas être appelés ainsi. Vraiment étrange, une telle sensibilité aux mots, étant donné ceux qu'ils utilisent à propos des femmes dans la pornographie qu'ils achètent.
Bref.
Alors, vous êtes curieux de savoir comment baiser (définitivement pas faire l'amour) comme une "star de porno" (pute) ? Quelques indices utiles :
- Néglige ton corps et sa souffrance. Souviens-toi : il ne s'agit pas de toi, il s'agit des clients et de ce qu'ils veulent voir, des hommes qui te baisent et ce qu'ils veulent faire, et des hommes derrière la caméra et combien d'argent ils veulent se faire. Ton corps est seulement un véhicule pour les frissons sexuels des autres, qu'importe à quel point c'est douloureux ou pervers. Comme le disait "Buttman" John Stagliano, "le plaisir et la souffrance c'est la même chose, non ?" (1). Je suppose que c'est ce qu'on appelle jeter l'empathie par la fenêtre.
- Attends-toi à être humiliée. La plupart du plaisir que les acheteurs prennent vient du fait de te voir dégradée, que ce soit par une éjaculation faciale, ce qu'ils te disent (salope ! putain ! chienne ! dis que t'es une chienne), ou quand ils te giflent ou te crachent dessus ou te font des trucs merveilleux comme du ass-to-mouth ou pire. Ces trucs que les reluqueurs pro-porno disent parfois, à propos de respecter les femmes qui sont dans la pornographie parce qu'elles choisissent de le faire ? Des conneries. Ils ne te respectent pas le moins du monde et les mecs qui te besognent dessus non plus.
- Vois-toi depuis une perspective extérieure : une perspective de pornographe, une perspective de client. C'est pour ça que tu es là. Leur attention est largement focalisée entre tes jambes, d'où les zooms. Oh oui, et tes seins et ta bouche ont leur utilité aussi. C'est là que se situe ta valeur : dans ta disponibilité pour être utilisée. Tu penses qu'ils s'inquiètent de ce que ça te fait, si tu souffres ? Il n'y a pas de place pour la considération quand la caméra tourne et que les clients attendent, en trinquant sur des agressions comme une façon "d'être quittes" avec les femmes qu'ils ne peuvent pas avoir dans leur vie.
- Pénétration, pénétration, pénétration. C'est tout. Si ça peut être fait, quelqu'un voudra le voir, qu'importe à quel point c'est extrême. Vaginale, anale, orale... Maintenant la pénétration anale est devenue courante, la pression est de mise pour la prochaine innovation, et ton corps est sur le point d'être testé jusqu'à ses limites, pas très excitant mais risqué et douloureux, vie et mort. Comme l'avait dit un réalisateur de porno, Mitchell Spinelli, "Les gens en veulent plus. Ils veulent savoir combien de bites tu peux fourrer dans un cul... C'est comme "Fear Factor rencontre Jackass". Rendre ça plus hard, plus obscène, plus impitoyable." (2)
L'endurance est la qualité numéro 1 dont tu auras besoin ici : il ne s'agit pas d'aimer le sexe et d'être fière de ton corps comme ils te le disent dans les magazines. Tu penses que ce sera une expérience sexuelle excitante ? Réfléchis bien. On parle de baise brutale et prolongée, de toutes les façons possibles en risquant les déchirures, d'être tellement contusionnée que s'asseoir te fait mal, et chier du sang après. Et ils utiliseront n'importe quoi, pas juste leur bite : des objets ou des poings, tout ce qu'ils pourront forcer à te rentrer dedans. Tu es un ensemble de trous pour eux, de l'argent pour eux, plus l'acte sera extrême plus d'argent se feront. Difficile de voir l'humain quand on a des symboles de dollars devant les yeux.
(1) Getting Off: Pornography and the End of Masculinity, R Jensen, Southend Press, 2007, p117
(2) Ibid, p70
Oh oui et, P.S., la pornographie c'est de la prostitution, en dépit de la ligne arbitraire que la société choisit de tracer entre les deux : quelqu'un, que ce soit la femme, son proxénète ou son agent, est payé en échange de l'utilisation de son corps à elle.
Donc les acheteurs de pornographie sont des clients de prostitution, ils gardent juste un pas de recul, même s'ils n'aimeraient pas être appelés ainsi. Vraiment étrange, une telle sensibilité aux mots, étant donné ceux qu'ils utilisent à propos des femmes dans la pornographie qu'ils achètent.
Bref.
Alors, vous êtes curieux de savoir comment baiser (définitivement pas faire l'amour) comme une "star de porno" (pute) ? Quelques indices utiles :
- Néglige ton corps et sa souffrance. Souviens-toi : il ne s'agit pas de toi, il s'agit des clients et de ce qu'ils veulent voir, des hommes qui te baisent et ce qu'ils veulent faire, et des hommes derrière la caméra et combien d'argent ils veulent se faire. Ton corps est seulement un véhicule pour les frissons sexuels des autres, qu'importe à quel point c'est douloureux ou pervers. Comme le disait "Buttman" John Stagliano, "le plaisir et la souffrance c'est la même chose, non ?" (1). Je suppose que c'est ce qu'on appelle jeter l'empathie par la fenêtre.
- Attends-toi à être humiliée. La plupart du plaisir que les acheteurs prennent vient du fait de te voir dégradée, que ce soit par une éjaculation faciale, ce qu'ils te disent (salope ! putain ! chienne ! dis que t'es une chienne), ou quand ils te giflent ou te crachent dessus ou te font des trucs merveilleux comme du ass-to-mouth ou pire. Ces trucs que les reluqueurs pro-porno disent parfois, à propos de respecter les femmes qui sont dans la pornographie parce qu'elles choisissent de le faire ? Des conneries. Ils ne te respectent pas le moins du monde et les mecs qui te besognent dessus non plus.
- Vois-toi depuis une perspective extérieure : une perspective de pornographe, une perspective de client. C'est pour ça que tu es là. Leur attention est largement focalisée entre tes jambes, d'où les zooms. Oh oui, et tes seins et ta bouche ont leur utilité aussi. C'est là que se situe ta valeur : dans ta disponibilité pour être utilisée. Tu penses qu'ils s'inquiètent de ce que ça te fait, si tu souffres ? Il n'y a pas de place pour la considération quand la caméra tourne et que les clients attendent, en trinquant sur des agressions comme une façon "d'être quittes" avec les femmes qu'ils ne peuvent pas avoir dans leur vie.
- Pénétration, pénétration, pénétration. C'est tout. Si ça peut être fait, quelqu'un voudra le voir, qu'importe à quel point c'est extrême. Vaginale, anale, orale... Maintenant la pénétration anale est devenue courante, la pression est de mise pour la prochaine innovation, et ton corps est sur le point d'être testé jusqu'à ses limites, pas très excitant mais risqué et douloureux, vie et mort. Comme l'avait dit un réalisateur de porno, Mitchell Spinelli, "Les gens en veulent plus. Ils veulent savoir combien de bites tu peux fourrer dans un cul... C'est comme "Fear Factor rencontre Jackass". Rendre ça plus hard, plus obscène, plus impitoyable." (2)
L'endurance est la qualité numéro 1 dont tu auras besoin ici : il ne s'agit pas d'aimer le sexe et d'être fière de ton corps comme ils te le disent dans les magazines. Tu penses que ce sera une expérience sexuelle excitante ? Réfléchis bien. On parle de baise brutale et prolongée, de toutes les façons possibles en risquant les déchirures, d'être tellement contusionnée que s'asseoir te fait mal, et chier du sang après. Et ils utiliseront n'importe quoi, pas juste leur bite : des objets ou des poings, tout ce qu'ils pourront forcer à te rentrer dedans. Tu es un ensemble de trous pour eux, de l'argent pour eux, plus l'acte sera extrême plus d'argent se feront. Difficile de voir l'humain quand on a des symboles de dollars devant les yeux.
- Sois préparée à remercier les hommes qui abusent de toi, à leur demander de te faire encore plus mal, de te baiser plus fort. L'agression physique n'est pas suffisante : ils exigent de savoir, pour le bénéfice du mec en train de se branler chez lui, pour qu'il jouisse, que ça te plaît. On la traite épouvantablement, et cette petite salope n'en a jamais assez ! Ou certaines audiences veulent savoir que tu souffres, alors sois prête à pleurer. Tu ne seras peut-être pas capable de t'en empêcher, de toute façon, ne t'en veux pas pour ça, tu ne sais pas à quoi tu vas te mesurer, ce face à quoi la résolution la plus forte n'est d'aucune aide. Ils ont un moyen de te briser, de t'humilier, de te faire souffrir jusqu'à ce que tes larmes coulent. Et n'oublie pas de dire merci comme une bonne fille quand ils ont fini, et de bien présenter à la caméra : ils veulent voir ces dégâts !
- Laisse de côté toute notion de choix, d'empowerment ou de contrôle. Tu feras ce qu'ils disent, pour éviter encore plus de violence hors caméra. L'obéissance est exigée : ils ont le pouvoir, ton corps est leur terrain de jeu, pour y faire ce qu'ils veulent. Qu'importe à quel point ils te traitent agressivement quand la caméra tourne, sache que ça peut être, et que ça sera, bien pire quand la elle sera éteinte.
- Et finalement, prends et utilise tout ce sur quoi tu pourras mettre la main pour t'engourdir, pour réduire la douleur, mentale et physique. Ce qui va arriver arrivera avec ou sans ton consentement, que tu luttes ou non, qu'ils aient à te frapper ou à te menacer d'abord ou non. Ton corps est là, et il va être gravement maltraité. Le mieux que tu puisses faire est de t'éloigner le plus possible, quoi qu'il en coûte. Alcool, drogues, dissociation. C'est ça, je crains que ce soit ta seule arme : tu es toute seule là-bas.
Ne confondez pas avec la réalité les mensonges disant des femmes dans la pornographie qu'elles ont du pouvoir et qu'elles sont respectées, qu'elles sont des "stars", que c'est un job glamour et excitant, ou tout ce qui parle de profiter du sexe, de libérer le sexe. La pornographie n'est qu'une question d'argent et de pouvoir. Les corps des femmes sont les moyens pour une fin, c'est à dire quelqu'un qui a du pouvoir sur une femme qui devient riche en la vendant, en vendant des images de sa maltraitance, et quelqu'un qui jouit là-dessus. Peut-être que s'ils en savaient un peu plus sur la réalité, les gens seraient moins enthousiastes à l'idée de "baiser comme des stars du porno", ou d'émuler la dynamique de l'abuseur et de l'abusée que nous appelons pornographie.
(1) Getting Off: Pornography and the End of Masculinity, R Jensen, Southend Press, 2007, p117
(2) Ibid, p70
dimanche 8 janvier 2012
Ce qu'il y a en dessous
Quelqu'un m'a écrit récemment, et cette discussion m'a fait penser aux apparences et à la réalité. J'ai toujours eu un don incroyable pour bien présenter même dans les circonstances les plus terribles. En fait, en convalescence j'ai découvert que ma capacité à avoir l'air confiante et bien en ordre a joué contre moi quand j'appelais à l'aide. Les gens me regardent et ne voient pas de problème : pas besoin d'aide ici ! Circulez ! La réalité, les dégâts, sont bien plus profonds, et peuvent être cachés pour la majeure partie, même si c'est parfois in extremis, comme récemment mon mutisme et ma froideur ont été un peu plus difficiles à gérer sur scène. Vêtue de longues manches et parées de beaux atours, voici la femme éduquée, bien articulée. Habillée en veste et l'air nonchalant, voilà quelqu'un qui est un peu rude sur les bords, une femme plus dure avec des tatouages et de sérieuses cicatrices d'automutilation. Le langage et les manières changent pour s'adapter.
Les deux sont réelles, mais laquelle est moi ?
Ce sont les personnalités publiques, avec toutes les teintes qui existent entre les deux. Je crois jusqu'à un certain point que tout le monde s'adapte un peu pour coller à sa situation. Le problème que j'ai est un problème de degré. Il y a en fait de nombreux personnages entre lesquels ma tête balance, chacun existant de son propre droit. Je trouve ça difficile de me souvenir vraiment comment je suis dans un état d'esprit quand je suis dans un autre. Froide, Détachée, Sauvage, Angel, Emma, Destructrice, Compatissante... Les problèmes de mémoire que je rencontre comme je papillonne entre ces personnalités ajoutent à la fragmentation, la déconnexion, mon expérience de la vie comme d'une collection de clichés instantanés, une série d'événements sans vraiment de connexion apparente, ma difficulté avec le temps. Je vois que je perds le compte des jours, qu'une heure peut durer toute une vie ou alors filer le temps d'un clin d'oeil. Parfois je regarde la pendule et une heure a passé, ou plus. Je suis ailleurs, partie, perdue dans une transe.
J'ai une relation d'amour-haine avec mon apparence extérieure de compétence. Il y a du pouvoir dans le fait de porter un masque. Et je peux être compétente, donc ce n'est pas un mensonge. Pas toujours, en tout cas. Parfois quand je lutte, quand le syndrome de stress post traumatique est trop violent, je mets mon apparence extérieure, Angel : cheveux coiffés, maquillage parfait, vêtements frais. La portant comme une cape, j'interagis avec le monde extérieur avec un pas de recul. Je vais très bien, merci d'avoir demandé, ne te rapproche pas trop. Mais ce masque, cette cape peut aussi agir comme un instrument de torture, m'enfermant, me suffocant ; le métal se plante en moi et me fait souffrir et me piège là, toute seule.
J'ai trouvé ce texte, quelque chose que j'ai écrit à l'époque où je buvais et me droguais encore, quand j'ai commencé à sentir que je me séparais, me retrouvais découpée en deux, et moi perdue quelque part au milieu, dans l'éther. Je me fragmentais de plus en plus comme les choses empiraient, comme j'étais battue et vendue. Je suis devenue "nous", et nous faisions ce que nous devions pour tenir le coup. Parfois tout ce qu'on peut faire c'est tenir le coup. La survie est tout, heure par heure, minute par minute, à travers une volée de coups, puis une autre. Moi mais pas moi, ici mais ailleurs, une mais plusieurs, ensemble mais séparée.
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Je serais internée si je leur disais ce qui se passe vraiment dans ma tête, dans mon esprit. Alors à la place je feins la normalité, l'humanité, je souris quand quelqu'un sort une blague, en fait je souris beaucoup, je suis connue comme la Souriante, mais il ne s'agit que de tirer des muscles faciaux, une contorsion débile de muscles faciaux qui ne veut rien dire, c'est juste de la comédie, c'est juste tirer une tête, c'est juste jouer un rôle. Je ne souris pas à l'intérieur, et si ils pouvaient voir ce qu'il y a à l'intérieur ils ne souriraient pas beaucoup non plus.
À l'intérieur il y a les ténèbres, les débris et les dégâts, et un sentiment sirupeux, putréfié, de désastre, de mal qui semble primitif, et qui est injecté à l'intérieur de mon noyau. Ne vous approchez pas de moi ou je suinterai mes DÉGÂTS sur vous. Je suis comme une viande en décomposition, je pourris de l'intérieur vers l'extérieur, le mal creuse son chemin à travers moi et l'extérieur joli et souriant sert juste à rendre tout ça encore plus terrifiant parce que si vous me rencontriez juste pour discuter vous pourriez faire erreur en pensant qu'il n'y a Pas De Problème et que je suis une Fille Adorable. Je vois le démon assis au bout de mon lit. Je veux infliger de la douleur, de la douleur comme celle que je ressens, je veux endommager comme je suis endommagée.
Je ne me regarde plus dans les yeux dans le miroir. J'ai peur de moi et je ne fais confiance à personne. Je méprise les gens autour de moi. Ils ne voient que ce qu'ils veulent voir et ce n'est pas la vraie moi. Je suis l'actrice consommée, la réalisatrice, je tire les ficelles mais ils ne voient rien. Il est mieux, plus sûr, de ne rien laisser voir, la connaissance c'est le pouvoir et je ne suis pas près de donner ça à n'importe quel connard comme ça. Ce n'est pas que je mente, c'est juste que je ne dis pas la vérité.
L'écart entre la moi Souriante, la moi Normale, que je présente, et l'Autre moi, mon côté sombre, devient caverneux. Je me sens prise entre les deux, détachée et perdue. Je vis deux vies, l'une visible et fausse, l'autre cachée mais plus réelle, ces deux aspects de moi-même ne se rencontrant que parce que nous partageons le même corps. Mon corps me semble étranger, séparé de mon esprit et de l'obscurité, juste un cadre à graver avec des balafres, un vaisseau pour se laisser aller aux substances que je choisis, quelque chose que je porte et avec lequel je flirte et je baise. Mon esprit, c'est un autre endroit.
Je suis un voyeur dans ma propre vie.
J'aime et je hais le Sourire, le Masque, il me permet de me sentir distante et de passer inaperçue dans un monde auquel j'ai de plus en plus l'impression de ne pas appartenir. Je viens d'un autre endroit, un endroit plus obscur, et je me retrouve à rechercher le noir et le danger. Je flirte avec, en partie effrayée, en partie excitée, je joue avec le feu et je sais que je vais me brûler mais je ne peux pas le lâcher. Je ne peux jamais lâcher les choses : je suis une Addict, une Obsessionnelle. Une petite partie de moi voudrait que les gens se rendent compte, voient ma souffrance, voient mon bouleversement, m'aident à me relever et à sortir de cette fosse dans laquelle je suis. Mais je suis partie beaucoup trop loin pour laisser les gens voir la Vraie moi. Mon état est Inacceptable, et je le sais.
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C'est un progrès lent, rassembler les morceaux d'Angel. Je ne suis plus là où j'étais quand je buvais et me droguais, je ne suis plus le sujet d'hallucinations chimiques et des complications associées : je sais maintenant que c'est avec moi que je dois me débrouiller, pas avec les effets secondaires de l'auto-médication. Mais sous de nombreux aspects il serait moins douloureux, plus facile, de rester fragmentée. Me réintégrer implique de me rendre compte et de revivre le trauma extrême que j'ai enduré en tant que femme battue, femme qui a été vendue. Au fond, je veux être capable de m'engager dans des relations authentiques avec les autres, ne pas être seule, et cela requiert que je commence avec moi-même. Tant que je ne serai pas entière je resterai à une distance, susceptible de causer des dégâts et de la confusion, aux autres qui s'occupent de moi, et à moi-même. La confiance est une chose importante ; pour commencer à guérir et à rassembler ces fragments, j'ai besoin d'aide. C'est difficile. Mais je m'en approche, même si certains jours j'ai l'impression de faire un pas en avant et trois pas en arrière. Je veux être capable de dire : ce que vous voyez, c'est la vérité. À prendre ou à laisser, mais c'est moi. Voilà Angel.
Les deux sont réelles, mais laquelle est moi ?
Ce sont les personnalités publiques, avec toutes les teintes qui existent entre les deux. Je crois jusqu'à un certain point que tout le monde s'adapte un peu pour coller à sa situation. Le problème que j'ai est un problème de degré. Il y a en fait de nombreux personnages entre lesquels ma tête balance, chacun existant de son propre droit. Je trouve ça difficile de me souvenir vraiment comment je suis dans un état d'esprit quand je suis dans un autre. Froide, Détachée, Sauvage, Angel, Emma, Destructrice, Compatissante... Les problèmes de mémoire que je rencontre comme je papillonne entre ces personnalités ajoutent à la fragmentation, la déconnexion, mon expérience de la vie comme d'une collection de clichés instantanés, une série d'événements sans vraiment de connexion apparente, ma difficulté avec le temps. Je vois que je perds le compte des jours, qu'une heure peut durer toute une vie ou alors filer le temps d'un clin d'oeil. Parfois je regarde la pendule et une heure a passé, ou plus. Je suis ailleurs, partie, perdue dans une transe.
J'ai une relation d'amour-haine avec mon apparence extérieure de compétence. Il y a du pouvoir dans le fait de porter un masque. Et je peux être compétente, donc ce n'est pas un mensonge. Pas toujours, en tout cas. Parfois quand je lutte, quand le syndrome de stress post traumatique est trop violent, je mets mon apparence extérieure, Angel : cheveux coiffés, maquillage parfait, vêtements frais. La portant comme une cape, j'interagis avec le monde extérieur avec un pas de recul. Je vais très bien, merci d'avoir demandé, ne te rapproche pas trop. Mais ce masque, cette cape peut aussi agir comme un instrument de torture, m'enfermant, me suffocant ; le métal se plante en moi et me fait souffrir et me piège là, toute seule.
J'ai trouvé ce texte, quelque chose que j'ai écrit à l'époque où je buvais et me droguais encore, quand j'ai commencé à sentir que je me séparais, me retrouvais découpée en deux, et moi perdue quelque part au milieu, dans l'éther. Je me fragmentais de plus en plus comme les choses empiraient, comme j'étais battue et vendue. Je suis devenue "nous", et nous faisions ce que nous devions pour tenir le coup. Parfois tout ce qu'on peut faire c'est tenir le coup. La survie est tout, heure par heure, minute par minute, à travers une volée de coups, puis une autre. Moi mais pas moi, ici mais ailleurs, une mais plusieurs, ensemble mais séparée.
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Je serais internée si je leur disais ce qui se passe vraiment dans ma tête, dans mon esprit. Alors à la place je feins la normalité, l'humanité, je souris quand quelqu'un sort une blague, en fait je souris beaucoup, je suis connue comme la Souriante, mais il ne s'agit que de tirer des muscles faciaux, une contorsion débile de muscles faciaux qui ne veut rien dire, c'est juste de la comédie, c'est juste tirer une tête, c'est juste jouer un rôle. Je ne souris pas à l'intérieur, et si ils pouvaient voir ce qu'il y a à l'intérieur ils ne souriraient pas beaucoup non plus.
À l'intérieur il y a les ténèbres, les débris et les dégâts, et un sentiment sirupeux, putréfié, de désastre, de mal qui semble primitif, et qui est injecté à l'intérieur de mon noyau. Ne vous approchez pas de moi ou je suinterai mes DÉGÂTS sur vous. Je suis comme une viande en décomposition, je pourris de l'intérieur vers l'extérieur, le mal creuse son chemin à travers moi et l'extérieur joli et souriant sert juste à rendre tout ça encore plus terrifiant parce que si vous me rencontriez juste pour discuter vous pourriez faire erreur en pensant qu'il n'y a Pas De Problème et que je suis une Fille Adorable. Je vois le démon assis au bout de mon lit. Je veux infliger de la douleur, de la douleur comme celle que je ressens, je veux endommager comme je suis endommagée.
Je ne me regarde plus dans les yeux dans le miroir. J'ai peur de moi et je ne fais confiance à personne. Je méprise les gens autour de moi. Ils ne voient que ce qu'ils veulent voir et ce n'est pas la vraie moi. Je suis l'actrice consommée, la réalisatrice, je tire les ficelles mais ils ne voient rien. Il est mieux, plus sûr, de ne rien laisser voir, la connaissance c'est le pouvoir et je ne suis pas près de donner ça à n'importe quel connard comme ça. Ce n'est pas que je mente, c'est juste que je ne dis pas la vérité.
L'écart entre la moi Souriante, la moi Normale, que je présente, et l'Autre moi, mon côté sombre, devient caverneux. Je me sens prise entre les deux, détachée et perdue. Je vis deux vies, l'une visible et fausse, l'autre cachée mais plus réelle, ces deux aspects de moi-même ne se rencontrant que parce que nous partageons le même corps. Mon corps me semble étranger, séparé de mon esprit et de l'obscurité, juste un cadre à graver avec des balafres, un vaisseau pour se laisser aller aux substances que je choisis, quelque chose que je porte et avec lequel je flirte et je baise. Mon esprit, c'est un autre endroit.
Je suis un voyeur dans ma propre vie.
J'aime et je hais le Sourire, le Masque, il me permet de me sentir distante et de passer inaperçue dans un monde auquel j'ai de plus en plus l'impression de ne pas appartenir. Je viens d'un autre endroit, un endroit plus obscur, et je me retrouve à rechercher le noir et le danger. Je flirte avec, en partie effrayée, en partie excitée, je joue avec le feu et je sais que je vais me brûler mais je ne peux pas le lâcher. Je ne peux jamais lâcher les choses : je suis une Addict, une Obsessionnelle. Une petite partie de moi voudrait que les gens se rendent compte, voient ma souffrance, voient mon bouleversement, m'aident à me relever et à sortir de cette fosse dans laquelle je suis. Mais je suis partie beaucoup trop loin pour laisser les gens voir la Vraie moi. Mon état est Inacceptable, et je le sais.
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C'est un progrès lent, rassembler les morceaux d'Angel. Je ne suis plus là où j'étais quand je buvais et me droguais, je ne suis plus le sujet d'hallucinations chimiques et des complications associées : je sais maintenant que c'est avec moi que je dois me débrouiller, pas avec les effets secondaires de l'auto-médication. Mais sous de nombreux aspects il serait moins douloureux, plus facile, de rester fragmentée. Me réintégrer implique de me rendre compte et de revivre le trauma extrême que j'ai enduré en tant que femme battue, femme qui a été vendue. Au fond, je veux être capable de m'engager dans des relations authentiques avec les autres, ne pas être seule, et cela requiert que je commence avec moi-même. Tant que je ne serai pas entière je resterai à une distance, susceptible de causer des dégâts et de la confusion, aux autres qui s'occupent de moi, et à moi-même. La confiance est une chose importante ; pour commencer à guérir et à rassembler ces fragments, j'ai besoin d'aide. C'est difficile. Mais je m'en approche, même si certains jours j'ai l'impression de faire un pas en avant et trois pas en arrière. Je veux être capable de dire : ce que vous voyez, c'est la vérité. À prendre ou à laisser, mais c'est moi. Voilà Angel.
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